La carrière de Paul Desmarais dans le milieu des affaires a débuté en 1951, lorsqu’il achète une participation donnant le contrôle de la Sudbury Coppercliff Street Railway, une entreprise de transport routier fondée par son grand-père. En 1960, il fait l'

La carrière de Paul Desmarais dans le milieu des affaires a débuté en 1951, lorsqu’il achète une participation donnant le contrôle de la Sudbury Coppercliff Street Railway, une entreprise de transport routier fondée par son grand-père. En 1960, il fait l'acquisition d'une participation de contrôle dans Transport Provincial, plus tard renommé Voyageur.

Un entrepreneur devient actionnaire majoritaire
1968-1980

Au début de 1968, la direction de Power Corporation passa des fils des actionnaires fondateurs aux mains du financier Paul Desmarais. La stratégie de ce dernier était d’augmenter la trésorerie de Power Corporation, de concentrer ses placements à long terme dans un petit nombre de grandes sociétés diversifiées et sur lesquelles il exerce un contrôle, puis de mettre l’emphase sur l’amélioration de leur rendement. En 1971, les deux tiers de l’actif du portefeuille de la Société furent ainsi investis dans des filiales en exploitation, contre moins de 40 % en 1968.

À peine Power Corporation avait-elle amorcé avec succès sa transformation que l’Amérique du Nord subissait le triple assaut d’une récession, de la stagflation et de deux crises du pétrole. Bien que de nombreuses entreprises de la Société aient eu à affronter des difficultés dans les années 1970, Power Corporation maintint sa rentabilité et sa croissance grâce à l’expérience de ses administrateurs, au talent des dirigeants des sociétés du groupe et au dévouement des employés à bien servir leurs clients, ainsi qu’au leadership stratégique de l’actionnaire majoritaire.

Compte tenu de ce contexte difficile, Peter Thomson et son conseil d’administration acceptèrent un échange d’actions avec La Corporation de valeurs Trans-Canada (Trans-Canada) au début de 1968. Trans-Canada était une société de portefeuille de 75 millions $, contrôlée par le financier Paul Desmarais, qui assuma aussitôt la direction de Power Corporation.

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En 1968, les principaux actifs de Trans-Canada incluaient la totalité des actions de Transport Provincial, un important service d’autocars interurbains, une participation majoritaire dans L’Impériale, Compagnie d’Assurance-Vie, de Toronto, une position de 25 % qu’il venait d’acquérir dans le Groupe Investors (une société de fonds communs de placement de Winnipeg, qui détenait environ 25 % du capital du Montréal Trust), un hippodrome, une station de radio et des immeubles. Monsieur Desmarais contrôlait aussi Gesca ltée, détentrice de toutes les actions de La Presse, le plus important et le plus prestigieux quotidien montréalais, ainsi que de 62 % des trois quotidiens et des dix hebdomadaires québécois des Journaux Trans-Canada. Gesca ne sera cédée à Power Corporation qu’en 1970. Au cours de ces étapes, M. Desmarais fut habilement épaulé par M. Jean Parisien, qui devint son partenaire minoritaire lorsqu’ils s’associèrent de façon officielle en 1959. 

Liste des dirigeants
et des membres du conseil

1968
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Bus appartenant à la Sudbury Bus Company, au milieu du 20e siècle.

Né à Sudbury, en Ontario, en 1927, Paul Desmarais avait délaissé ses études de droit pour prendre la direction d’une entreprise de transport en difficulté appartenant à sa famille. Après l’avoir remise sur la bonne voie, il avait acheté d’autres entreprises d’autocars dans la région d’Ottawa, dans la ville de Québec et ailleurs au Québec, puis il avait acquis des intérêts dans l’assurance-vie et les communications et fait d’autres placements de valeur moindre.

Dans un commentaire sur l’échange d’actions avec Trans-Canada, le rapport annuel de 1968 de Power expliquait que « le conseil d’administration est d’avis que, en plus de permettre des économies d’échelle, l’acquisition proposée renforcera davantage les activités d’exploitation de la Société et les compétences de son équipe de direction. De plus, elle améliorera sensiblement ses perspectives de bénéfices et fera de Power une société en exploitation détenant en plus un important portefeuille de titres, plutôt que d’être avant tout une société de portefeuille ». 

Paul Desmarais prend les commandes de Power

Conformément à la nouvelle entente, Paul Desmarais fut nommé président du conseil et chef de la direction de la Société, et Peter Thomson, président délégué du conseil, chacun détenant environ 30 % des droits de vote. Ils détenaient donc ensemble le contrôle de Power Corporation, par l’entremise d’une convention de vote fiduciaire, jusqu’à ce que M. Desmarais rachète, en 1970, la plupart des actions privilégiées participantes conférant dix voix que M. Thomson détenait encore, lui donnant ainsi le plein contrôle. Dès le départ, la stratégie adoptée consistait à poursuivre l’élagage du portefeuille, à augmenter sa trésorerie et à consolider son contrôle sur un petit nombre d’entreprises diversifiées pour en améliorer le rendement. Un an plus tard, les deux tiers du portefeuille de Power étaient investis dans des filiales en exploitation, comparativement à moins de 40 % en 1968.


Organigramme de Power Corporation au 31 décembre 1968


La plupart des participations dans les services financiers et les loisirs auxquelles Peter Thomson restait attaché lui furent échangées contre des espèces et des actions que sa société de portefeuille privée détenait toujours dans des sociétés figurant parmi les investissements de base de Power. Les participations directes de Power dans Québec Télémédia et dans la station de radio CKAC furent liquidées, de même que celles dans Travelodge Australia, Northern and Central Gas, Canadian Industrial Gas and Oil et Chemcell, alors qu’Inspiration fut radiée. Le reste fut réparti entre quatre secteurs fondamentaux : industriel, financier, immobilier et des communications.

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En 1969, Power Corporation a acquis une participation majoritaire dans
Canada
Steamship Lines, qui exploitait des navires de haute mer et
ses cargos sur les Grands
Lacs.

Développement du secteur industriel

Dès 1968, afin d’en obtenir le contrôle majoritaire, Power doubla sa participation dans Dominion Glass, puis elle renouvela l’équipe de direction et entreprit de superviser l’expansion de la société. 

En 1969, Transport Provincial fut cédé à Canada Steamship Lines (CSL) en échange d’espèces et d’actions qui firent de Power l’actionnaire majoritaire de CSL.
 

Deux ans plus tard, Power acheta le reste des actions de CSL. Peu après, afin d’augmenter sa trésorerie et se plier aux nouvelles dispositions fiscales fédérales avantageant les entreprises en exploitation, CSL reprit à son compte, à sa valeur comptable, la majeure partie du portefeuille de Power.

En 1970, à la suite d’une tentative infructueuse d’acquisition d’une position majoritaire dans Consolidated-Bathurst, Power parvint à en assumer le contrôle réel avec seulement 35 % des actions. Elle confia à William Turner la tâche de remettre sur pied cette entreprise de pâtes et papiers qui traversait une mauvaise passe. William Turner céda alors la présidence de Power Corporation à Jean Parisien.

William I.M. Turner, jr fut president de Power Corporation de 1966 à 1970.

William I.M. Turner, jr fut president de Power Corporation de 1966 à 1970.

Jean Parisien fut président de Power Corporation de 1970 à 1972.

Jean Parisien fut président de Power Corporation de 1970 à 1972.

Réunion du conseil d'administration de L'Impériale, Compagnie d'Assurance-Vie en 1972

Réunion du conseil d'administration de L'Impériale, Compagnie d'Assurance-Vie en 1972

Prendre de l'expansion dans le secteur financier

L’Impériale, Compagnie d’Assurance-Vie et la Financière Laurentide, respectivement détenues majoritairement par Trans-Canada et Power, devinrent des sociétés sœurs, sans toutefois être fusionnées. En 1969, Power fit un premier apport direct de capital dans le Groupe Investors dans le cadre de l’acquisition par cette société de 51 % de La Great-West, compagnie d’assurance-vie. Celle-ci se classait alors, d’après son actif, au quatrième rang des compagnies d’assurance-vie canadiennes. Le Groupe Investors voulait percer dans le secteur de l’assurance-vie pour que ses représentants puissent offrir à leurs clients une gamme plus complète de produits financiers.

Siège social de la Great-West à Winnipeg

Siège social de la Great-West à Winnipeg

A meeting of the Great-West Life Board of Directors in 1971

Réunion du conseil d'administration de la Great-West tenue en 1971. De gauche à droite : R.H. Jones; P. Britton-Paine; C.E. Atchison; W.M. Auld; A.M. Runciman; C.A. Geoffrion; R.S. Sale; J.W. Burns; P.D. Curry; A.S. Leach; E.H. Moncrieff; M. Belanger; J.C. Parlee; R.O.A. Hunter; J.B. Macaulay et J.H. Coleman.

Un an plus tard, grâce à deux opérations successives, Power porta à plus de 50 % sa participation au capital du Groupe Investors. Puis, à la fin de 1972, le Groupe Investors fit de même pour sa position dans Montréal Trust, qui était alors en difficulté et nécessitait une nouvelle équipe de direction.
 

Power Corporation avait désormais en main la plupart des éléments nécessaires afin de bâtir un groupe intégré de services financiers : son groupe comprenait une émettrice de certificats de dépôt et une entreprise dans l’industrie naissante des fonds communs de placement, et il était présent dans deux autres des « quatre piliers » du secteur des services financiers canadiens, soit la fiducie et l’assurance. Power disposait donc maintenant d’une plateforme financière, tant au niveau des actifs que du bénéfice, qui allait s’avérer exceptionnellement profitable dans les décennies suivantes. 

Brève incursion dans l'immobilier

Dans l’immobilier, Power Corporation échangea toutes ses participations, soit Canadian Interurban Properties, Les Immeubles Trans-Canada Cie, Palais du Commerce Inc. et Blue Bonnets Raceway, contre une participation comportant 52 % des droits de vote dans Campeau Corporation, une entreprise de promotion immobilière d’Ottawa fondée par Robert Campeau. Ce ne fut toutefois pas un investissement à long terme, puisque, à la demande de M. Campeau, cette position lui fut rétrocédée en 1973. Power a alors cessé de faire des investissements directs majeurs dans le secteur immobilier. 

Participation plus importante dans les médias

Même si elle s’était départie de ses positions dans Québec Télémédia et dans un groupe d’hebdomadaires, Power conserva Gesca, qui contrôlait La Presse et Les Journaux Trans-Canada. En 1971, La Presse fut fermée pendant quatre mois en raison d'une grève, ce qui lui infligea des millions de dollars de pertes. Ce malheureux événement n’empêcha toutefois pas Gesca de porter à 100 % sa position dans Les Journaux Trans-Canada en 1973 et d’acheter Montréal-Matin, un tabloïd quotidien populaire. 

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Paul Desmarais à l'usine d'impression du journal La Presse

Un employé du journal La Presse au travail

Les employés de La Presse à l'usine d'impression du journal

Chaîne d'assemblage des copies du journal La Presse

Paul Desmarais à l'usine d'impression du journal La Presse

Défis à relever dans certaines filiales importantes

Bien que les bénéfices de Power aient amorcé un redressement à partir de 1970, la lourde charge des intérêts et la pression subie au niveau de la trésorerie obligèrent Power à ne pas verser de dividendes durant un trimestre, ce qui affecta le cours de ses actions.

Consolidated-Bathurst continua d’être sensible aux prix trop bas, à la faiblesse des marchés et à la surproduction. Puis, en 1972, des dépassements imprévus dans le coût de construction de trois pétroliers de 80 000 tonnes infligèrent à la Davie Shipbuilding, filiale en propriété exclusive de Canada Steamship Lines, des pertes importantes, aggravées deux ans plus tard par une grève de huit semaines sur les Grands Lacs.

Peu à peu, les efforts acharnés de l’équipe du siège social de Power, la grande compétence des dirigeants de ses entreprises en exploitation et le leadership de l’actionnaire majoritaire produisirent une amélioration constante des résultats, ce qui rassura les investisseurs et releva le cours des actions de Power Corporation.

Par exemple, chez Consolidated-Bathurst, Power réussit à remanier l’équipe de direction et à adopter une orientation stratégique vivifiante qui redressa cette société de produits forestiers. Des unités déficitaires furent éliminées, des actifs, vendus, le bilan, restructuré, et l’entreprise réalisa un bénéfice de plus de 24 millions $ lors de sa tentative infructueuse de prise de contrôle d’Abitibi Paper en 1974. Ses emprunts furent remboursés et sa trésorerie et ses dividendes augmentèrent. Lorsque les marchés et les prix se raffermirent, Consolidated-Bathurst reprit la voie de la prospérité.

Il va sans dire que toutes ces décisions furent prises dans le cadre d’une stratégie clairement ciblée, avec l’appui d’un conseil d’administration d’expérience et d’un personnel dévoué. Leur aboutissement exigea un travail acharné et entraîna inévitablement une forte augmentation de la dette.

En 1975, année de son 50e anniversaire, Power Corporation prit une initiative qui fut alors considérée comme l’une des plus audacieuses et controversées de l’histoire des affaires au Canada. Elle tenta en effet de prendre le contrôle d’Argus Corporation, une société de portefeuille de Toronto qui détenait des actifs de quelque 200 millions $, notamment en actions de Massey Ferguson, Standard Broadcasting, Les Supermarchés Dominion, Domtar et Hollinger Mines. Bien qu’elle soit parvenue, en 1976, à accumuler plus de 50 % des actions d’Argus, Power ne put en prendre le contrôle ni même obtenir un siège au conseil, les actionnaires principaux d’Argus détenant 60 % des actions comportant des droits de vote spéciaux. Power céda finalement sa participation dans Argus en 1978, pour 80,5 millions $.
 

Cette déception ne fut pas la seule vécue pendant cette époque. En 1976, des dépenses énormes et des conflits syndicaux convainquirent Power de se défaire de Davie Shipbuilding. Puis, en 1977, les organismes réglementaires fédéraux s’étant opposés à la fusion de la Great-West avec L’Impériale, Compagnie d’Assurance-Vie, Power vendit cette dernière après lui avoir repris sa participation dans le Groupe Investors. Enfin, d’octobre 1977 à avril 1978, une deuxième grève importante sévit à La Presse et à Montréal-Matin. Pour limiter ses pertes, Power dut alors fermer définitivement Montréal-Matin. La Presse a quant à elle retrouvé une rentabilité élevée et n’a subi aucune autre grève pendant plus de 20 ans.

Modification du profil de l'actif de Power

La seconde moitié des années 70 fut davantage une période de restructuration que de croissance. En janvier 1976, Power récupéra les actifs antérieurement cédés à Canada Steamship Lines, devenue une unité opérationnelle. Sa participation dans la Financière Laurentide fut échangée contre des actions de la Banque Provinciale du Canada, qui deviendra par la suite la Banque Nationale du Canada.

En février 1976, M. Jean Parisien, alors premier vice-président délégué du conseil d’administration et associé de longue date de M. Paul Desmarais, décède subitement d’une crise cardiaque dans les bureaux de la Société un vendredi soir. Son décès prématuré fut accueilli avec une immense tristesse par sa famille, ses collègues et amis. À cette occasion, dans un article qu’il écrivit dans La Presse, M. Desmarais exprima le sentiment partagé par tous : « Modeste, loyal, prévenant, il n’a jamais recherché les honneurs, se satisfaisant du travail bien fait. Ces qualités l’aidèrent à devenir un des principaux artisans de la création de plusieurs entreprises d’importance majeure qui, à leur tour, ont ouvert la voie à plus de croissance économique au Canada et à des emplois nouveaux pour de nombreux Canadiens. Notre journal fut une des entreprises où le talent de Jean Parisien fit sa marque et dont aujourd’hui La Presse peut vraiment mesurer sa portée. »

ADDRESSING CHALLENGES AT MAJOR SUBSIDIARIES

Paul Desmarais (à gauche), accompagné de Mme Mireille Drouin Parisien, au lancement du navire Jean Parisien en 1977 par la Canada Steamship Lines.

En 1977, Power haussa sa part de contrôle des droits de vote dans le Groupe Investors de 57 % à 72 %, puis à 99 % en 1978, au même moment où le Groupe Investors accroissait à 96 % sa participation dans la Great-West. La place croissante occupée par les actifs financiers dans le portefeuille de Power s'est reflétée dans la nomination successive de Peter D. Curry, président du conseil du Groupe Investors, et de James W. Burns, président et chef de la direction de la Great-West, au poste de président de Power Corporation.

Great-West Life headquarters office in Winnipeg

Bureaux du Groupe Investors à Winnipeg

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Peter D. Curry (à gauche) et James W. Burns. Monsieur Curry fut président de la Société de 1972 à 1978, alors que M. Burns l'a été de 1979 à 1986.

Cette restructuration a porté fruit : en 1979, sa 55e année d’existence, Power réalisa un bénéfice net consolidé record de 98 millions $, soit plus du double de celui de l’exercice précédent, et ses actions furent de nouveau divisées, à raison de deux pour une. Un an plus tard, le bénéfice atteignait un nouveau record, se situant à plus de 121 millions $, et la valeur boursière globale des actions ordinaires s’établissait à 505,9 millions $. Power Corporation était prête pour une nouvelle percée, qu’elle a réalisée sur deux fronts : au Canada et à l’étranger. 
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